Du zénith au crépuscule : l’angoisse d’une diva

Ami·e·s De Lire bonjour et bienvenue dans cette toute nouvelle chronique !

Au sommaire :

  1. Synopsis
  2. Du zénith au crépuscule : l’angoisse d’une diva
  3. La note De Lire Délire

#LIdole#NetGalleyFrance

Avant toute chose, je tiens à remercier NetGalley France et les éditions L’Archipel pour cette découverte éditoriale remarquable en avant-première.

Aujourd’hui nous allons parler du roman intitulé L’Idole de Vincent Delareux, à paraître en août 2024 aux éditions de L’Archipel, 208 pages.

Synopsis

Le nouveau roman de Vincent Delareux, salué par Amélie Nothomb : « Alerte, vivant, plein d’esprit ! J’ai adoré. »

1988. Après vingt-trois années de carrière à fouler les plus prestigieuses scènes du monde, la grande Séraphine, reine incontestée de la variété française, est lasse. Son époux vient de se suicider, tout comme son amie Dalida un an auparavant.
Son imprésario ne voit en elle qu’une poule aux œufs d’or. Son public, au fil des concerts, la dévore. À 47 ans, l’idole fatigue. Son désir ? En finir. Les plus grandes icônes ne sont-elles pas celles qui s’éclipsent à leur apogée ?
Armée d’une bouteille de whisky, Séraphine s’apprête à baisser le rideau. Quelques verres plus tard, elle perd connaissance, puis se réveille dans un sous-sol inconnu. Face à elle se dresse un homme. Fervent admirateur ou malfrat ? L’homme est en tout cas des plus inquiétants. Commence alors un séjour sous terre qui pourrait faire voler l’existence de la diva en éclats…

L’idole, Vincent Delareux, L’Archipel, 2024

Du zénith au crépuscule : l’angoisse d’une diva

L’histoire nous plonge dans les années 80, à l’époque où les divas iconiques comme Dalida et consort, étaient à leur apogée.

La quarantaine bien entamée, Séraphine est l’une d’entre elles.

Après plus de deux décennies de scène, d’adulation et de magnificence, la vedette se sent vieillir et ressent une irrésistible envie de quitter la scène de façon tragique et grandiose.

Par une sombre coïncidence, et qui sait , la réponse du destin à ses ambitions funestes, elle se fait kidnapper par un ravisseur surgit de nulle part.

Ce dernier se révèle être un grand admirateur et avoir un certain penchant pour le sordide et le macabre; sur ce, je ne vous en dis pas plus vous le découvrirez en lisant le livre.

Pas un seul instant je ne me suis ennuyée en lisant cette histoire rocambolesque avec des retournements de situation et des dialogues avec beaucoup de répartie comme pas permis.

L’écriture de l’auteur est fluide, rythmée et très intelligente.

À la fois thriller et roman psychologique, le récit aborde avec brio les thèmes de l’usurpation de la vérité derrière les façades de la célébrité et du star system, ainsi que de l’addiction du public à ses idoles de célébrité, et plus généralement du fanatisme, religieux ou autre.

De plus, le récit soulève la question de la révérence ( ou de l’issue de secours ?) acceptable pour celles et ceux qui n’ont connu que la gloire et la splendeur toute leur jeunesse.

En effet, comme tout être humain à un moment clé de sa vie, Séraphine fait la rétrospective et ressent une angoisse profonde face à la vacuité de son existence et de sa célébrité.

Prisonnière de son ravisseur et livrée à son sort fort peu enviable, la diva cherche un sens à tout cela en se questionnant aussi sur le divin et l’absurdité de la vie qu’elle s’est construite jusqu’ici. Ce qui n’est pas sans rappeler, à mon humble sens, l’existentialisme de Jean-Paul Sartre dans L’Être et le Néant.

Et le roman se lit très vite. Coup de cœur total, sans doute dans mon top 10 de l’année.

Quelques citations 🤫

« Ce destin extraordinaire d’une pauvre fillette sans le sou qui chante sa misère dans la rue, le ventre creux, et devient ainsi une grande dame. Vingt-trois ans qu’elle racontait cette fable sur les plateaux de télévision, et l’on ne s’en lassait pas. Comment les gens pouvaient-ils se repaître de ces radotages des décennies durant ? Sans doute avaient-ils besoin de rêver ; de croire qu’eux aussi, quelque infortunés qu’ils fussent, avaient une chance, un potentiel, un talent latent qui, tôt ou tard, éclorait pour les combler de la gloire qu’ils méritaient. »


« — Vous mentez. — Précisément. Je suis une imposture. C’est ce que je m’évertue à vous faire comprendre depuis tout à l’heure. — Non ! Vous mentez en prétendant mentir. — Au contraire, je n’ai jamais été aussi honnête qu’en affirmant être une menteuse. » »


« Tout chez cet énergumène convergeait vers la même conclusion : le bonhomme n’était qu’un gamin. Un gamin idiot, naïf, sinistre sur les bords et malheureux au fond du cœur. Le genre d’enfant qui ne dit ni ne pense trop rien, mais qui souffre beaucoup. À coup sûr, ceux-là étaient les pires, et l’adulte qu’ils engendraient se révélait rarement glorieux. L’immaturité résistait au temps et traversait les âges. La faute à la douleur, qui muselait la raison. Ces marmots pourris gâtés, une fois livrés au monde, sombraient dans une terreur pure. Ils ne savaient pas réfléchir : on ne le leur avait pas appris. Leur survie se fondait sur la pulsion. La peur pour subsister, le plaisir pour prospérer. »

« À quoi rêvent les reines, sinon aux tours d’ivoire où elles n’ont qu’à vivre ? Vivre pour soi sans se soucier des autres : luxe ultime selon Salvator. Le bonheur consistait en un égoïsme pur et décomplexé. On n’était guère heureux que dans son propre monde, et personne n’était mieux loti que l’ermite. Il fallait se retirer, renoncer à la surface du globe et se creuser un terrier confortable sous la croûte du réel. »

« (…) On dit que dans les pires moments, il faut trouver la force de croire en dépit du malheur, d’avoir la foi malgré l’adversité. Moi, je pense le contraire . Il faut trouver la force de ne pas croire. Ne pas croire qu’il y aura une rédemption après notre séjour sur ce globe. Ne pas croire en la justice suprême. Voilà une vision du courage. C’est autre chose que de boire à la première source venue. » »

« Hier encore, on justifiait l’inexplicable par la superstition ; aujourd’hui, on élucide le monde par la science. Et quand la science confesse son ignorance, on se trouve démuni, sans épaule sur laquelle pleurer, parce que Dieu est mort : on l’a tué. »

« « Cessez de me regarder ! s’énerva-t-elle. Qu’est-ce donc que vous voulez ? Mon âme ? Je n’en ai pas ! Je suis une coquille creuse, un emballage sans bonbon. Oui, c’est exactement ça, je ne suis qu’un papier brillant qui donne envie, mais qui déçoit dès qu’on le déplie.(…) »

« Double erreur. Car la vénération n’était pas la tendresse et que l’on était toujours seul dans l’absolu. Le public et les foules ne pouvaient rien contre l’isolement, pas plus que les mondanités des grandes réceptions. »

« L’amour inconditionnel était une chimère : on ne chérissait, à travers l’adorée, qu’un moi idéal hors de portée. L’idole se donnait pour être admirée ; la foule idolâtrait pour se sentir grandie. Au bout du compte, on n’œuvrait guère que pour soi. »

« (…)La beauté, la fraîcheur, le chic, ça prend du temps, et ce temps , je ne l’ai plus. Permettez-moi ce compliment, mademoiselle : vous êtes charmante. Ce rose aux joues vous va à ravir. N’en faites pas davantage, c’est amplement suffisant. Navrée de vous le dire, mais vous finirez fripée, quoi que vous fassiez, alors, plutôt que de casser votre cochon pour vous payer du lait d’ânesse, efforcez-vous d’aimer : ça conserve mieux. » »

La note De Lire Délire

La phrase que je garde en souvenir :

« (…)La beauté, la fraîcheur, le chic, ça prend du temps, et ce temps , je ne l’ai plus. Permettez-moi ce compliment, mademoiselle : vous êtes charmante. Ce rose aux joues vous va à ravir. N’en faites pas davantage, c’est amplement suffisant. Navrée de vous le dire, mais vous finirez fripée, quoi que vous fassiez, alors, plutôt que de casser votre cochon pour vous payer du lait d’ânesse, efforcez-vous d’aimer : ça conserve mieux. » »

Le bon point : Théâtral et addictif, impossible à lâcher avant d’avoir terminé l’histoire ! J’ai surtout adoré la veine existentialiste du récit qui interroge sur les apparences trompeuses et notre besoin désespéré d’idolâtrer des célébrités contrefaites, le Panthéon des « divinités » de notre monde actuel. Coup de cœur total.

Note : 5 sur 5.

6 réponses à « Du zénith au crépuscule : l’angoisse d’une diva »

  1. Avatar de Julie chronique
    Julie chronique

    Merci pour ce joli retour !

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    1. Avatar de Aïkà De Lire Délire

      Hello Julie 🌞 Je t’en prie, tout le plaisir est pour moi car cette lecture un tantinet frissonnante et décalée m’a vraiment plu !

      Aimé par 1 personne

  2. Avatar de energieholistiquenaturelleleblog

    bonjour, comment vas tu? merci pour la découverte! passe un bon mardi et à bientôt!

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de Aïkà De Lire Délire

      Merci à toi Energie 🌞 Je te souhaite une bonne soirée et on se dit à bientôt 😊

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  3. Avatar de
    Anonyme

    Mille mercis pour ce formidable avis… qui me touche beaucoup ! ❤️

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de Aïkà De Lire Délire
      Aïkà De Lire Délire

      Hello 🌞 Merci pour le compliment ! C’est toujours une joie immense de partager une lecture passionnante !

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Aïkà De Lire Délire

Je m’appelle Aïkà et mon délire c’est de lire !

Mes genres de prédilection sont la littérature contemporaine et les romans graphiques.

Mes thèmes de lecture préférés sont la liberté, l’émancipation, les nouveaux départs, la résilience et la débrouille.

C’est en 2022 que je me suis lancée dans la grande aventure du blogging littéraire.

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Grégoire Delacourt in La liste de mes envies, JC Lattès, 2012